Le calvaire : Inauguration du (1920)
Ce monument, situé au pied de la colline de la Rocque, à 800 mètres au nord de l’église, sur la route menant au hameau de Courteville, fut inauguré le 29 août 1920. Le même jour, on bénit une statue de Jeanne d’Arc ce qui donna plus de solennité encore à la fête. Un long cortège historique partit de Courteville à 16 heures. En tête chevauchaient Jeanne d’Arc et ses compagnons, tous recouverts de leur armure. Venaient ensuite des chars hippomobiles et divers groupes évoquant la glorieuse épopée de l’héroïne de Domrémy. La seconde partie du défilé était composée de groupes représentant les différents aspects de la crucifixion : saintes femmes, ange de l’agonie, Simon de Cyrène, les instruments de la Passion, etc.
L’EGLISE
Connaît-on la date de construction de l’actuelle église de Tubersent ? Elle existait déjà aval la Révolution selon Roger Rodière : « L’église Saint-Etienne, du diocèse de Boulogne et patronat de l’abbaye de Saint-Bertin, est pauvre et sans intérêt, construite en grès presque brut On sait que la riche et puissante abbaye audomaroise ne soignait guère les églises de dépendance » (*1). On trouve dans le sanctuaire des fonts baptismaux du XII ème siècle L’actuelle église remonte-t-elle donc à cette époque lointaine ? Cela est peu probable.
Le savant abbé Lepoutre, de son côté, pense que les fonts baptismaux proviennent probablement de l’église primitive (*2).
L’église actuelle est édifiée sur un soubassement de grès landéniens que l’on provenir de l’ancien château de la Rocque (*3). Elle est orientée, comme tous les am’ sanctuaires chrétiens, vers l’est (*4). Les dimensions d’une église n’étaient jamais adoptées hasard. « Un temple, qu’il fût chrétien ou autre, écrit Louis Charpentier, ne se construisait comme un hangar ». Il ajoute que le lieu était désigné pour ses qualités « divines », qu’ homme « inspiré » (un ecclésiastique ?) en donnait d’abord la dédicace, c’est-à-dire la forme en langue sacrée, dont les lettres donnaient les nombres. C’est par ces nombres et les rapports entre ces nombres, toujours selon lui, que les enceintes du lieu sacré étaient déterminées dans 1 longueur et dans leur largeur (*5). Les grands monuments de l’Antiquité (La pyramide de Chéops le Parthénon) de même que les vieux sanctuaires chrétiens (la cathédrale de Chartres, ce d’Amiens, l’ancienne église Saint-Michel d’Etaples) étaient construits en fonction du Nom d’Or (phi).
Le Nombre d’Or est approximativement égal à 1, 618. Rappelons très brièvement qu’il n s’agit pas là d’un nombre entier mais irrationnel, limite de la série de Fibonacci, d’une proportion qui a été qualifiée de « divine », particulièrement agréable à et que l’on retrouve, on vient de le voir, dans les monuments anciens. La découverte empirique du Nombre d’Or remonte à l’antiquité la plus lointaine. Cette valeur mathématique possède de nombreuses propriétés, nous ne pouvons guère nous étendre ici sur ce passionnant sujet qui demanderait un long développement. Nous avons, à tout hasard, établi le rapport entre la longueur totale (L = 32 m) et la largeur (1= 10,30 m) de l’église de Tubersent. Nous avons obtenu 3,106. Rien de commun avec le Nombre d’Or. Mais, en observant l’église depuis la place, on s’aperçoit qu’elle est constituée de deux bâtiments distincts (compte non tenu de la sacristie). Il existe en effet, sur chaque mur longitudinal, à l’extérieur, un décrochement au niveau des autels latéraux, ce qui diminue la largeur du sanctuaire (voir le schéma et la photographie de l’église page précédente). Ce décrochement est situé à 17 m de l’entrée principale. Si on établit le rapport de ce mur de 17 m au mur de largeur (10,30), on obtient cette fois 1,650, pratiquement le Nombre d’Or. Il suffit de regarder l’église, de l’extérieur, pour constater que la première partie (16,90 x 10,50) constitue un ensemble harmonieux, agréable à contrairement au tout qu paraît très étiré.
On ne peut manquer d’être intrigué par ce fait. S’agit-il d’un pur hasard de construction ou le fruit d’une volonté délibérée ? Le hasard est toujours possible, certes, et ne peut être totalement écarté. Mais on peut aussi émettre l’hypothèse suivante : ce rectangle (16,90 x 10,50) dont les dimensions sont celles de la « divine proportion » pourrait rappeler un premier sanctuaire construit par les moines de Saint-Bertin. L’abbé Lepoutre, on l’a vu un peu plus haut, évoquait une église primitive. Il pourrait même très bien s’agir d’un temple païen, encore plus ancien. Plus tard, beaucoup plus tard, le sanctuaire primitif aurait été agrandi, ou on aurait, sur le même emplacement, construit un nouveau sanctuaire remplaçant l’ancien tombé en ruine. Ce n’est qu’une hypothèse. Seules, des fouilles permettraient peut-être de découvrir la vérité….
*1 Roger Rodière, La Picardie historique et monumentale, Amiens, 1933, pp.413-414.
*2 Abbé Lepoutre, Itinéraires en Boulonnais, n°59.
*3 Ce qui situerait la construction au XVIème ou XVIIème siècle.
*4 Elle forme, avec la direction du nord, un angle de 95°.
*5 Louis charpentier, Les mystères de la cathédrale de Chartres, Paris, Robert Laffont, 1966.
Procédons maintenant à la description intérieure de l’église actuelle. « Les fonts baptismaux, très beaux, en oolithe Marquise, sont du type à cinq supports. Les colonnettes, courtes, n’ont ni bases ni chapiteaux dignes de ce nom, mais la table est ornée de sculptures en bas-relief variées selon les faces.
– L’une d’elles est ornée de trois losanges contenant chacun une pomme de pin, avec dix fleurs de lys au pied nourri dans les écoinçons.
– La seconde porte, dans quatre demi-cercles : un chat, une tête humaine vue de face, mutilée, et deux animaux fantastiques poursuivant leur propre queue. – La troisième, également dans des demi-cercles, représente une rosace, un oiseau volant, une tête humaine comme la précédente et un animal fantastique.
– La quatrième face, sans doute jadis appliquée contre le mur, est nue.
Ces fonts, qui ressemblent beaucoup à ceux d’Hesdres, mesurent 0,91m de hauteur totale. La table a 0,86m de largeur ; le bas-relief est haut de 0,18m ; le diamètre du fût est de 0,45m et celui des colonnettes de 0,18 » 61. La cuve est ornée elle aussi de sculptures : l’une représente symboliquement les quatre évangélistes : le lion de saint Marc, le boeuf de saint Luc, l’ange de saint Matthieu et l’aigle de saint Jean. Ces fonts baptismaux, qui comptent parmi les meilleurs témoignages connus de la production des ateliers de Marquise au cours de la deuxième moitié du Xllème siècle, furent classés par les Monuments Historiques le 11 mars 1902. « Au-dessus des fonts, écrit l’abbé Lepoutre, on voit un vieux christ en bois provenant, sans doute, d’une église précédente ». Ce vieux christ a aujourd’hui disparu. A la place, on trouve une belle grande croix (d’environ 2m de hauteur), en bois elle aussi, fixée au mur gauche, entre la première et la deuxième fenêtre.
Le maître autel, auquel on accède après avoir monté deux marches, est de style Louis XVI et d’ordre corinthien. Il portait jadis, à son fronton, l’écusson de forme ronde de l’abbaye de Saint-Bertin. Il a disparu pendant la Révolution mais on distingue encore, sur l’encadrement, une crosse et une mitre ainsi que deux cornes d’abondance en guise de support. Il est surmonté aujourd’hui d’un tableau représentant la crucifixion. A sa gauche, masquant une porte, une antique bannière avec la représentation du saint patron de la paroisse surmontée de l’inscription : Saint Etienne PPN (Priez Pour Nous).
Nous avons dit, plus haut, que la cloche provenait de l’ancienne église Saint-Michel d’Etaples. Elle porte les inscriptions suivantes :
+ CETTE PREMIERE CLOCHE REFONDUE DES BIENS FAITS DE TOUS LES HABITANS A ETE BENITE SOUS LE NOM DE SAINT + MICHEL SOUS LE PASTORAT DE MR WAVRAN EN JUIN 1779 ROBERT PREVOST MARGUILLIER EN EXERCICE.
En bas, d’un côté : le Christ en croix et deux anges, avec la signature : C. ET F. LES MAIRES ET I. HANRIOT FONDEUR. De l’autre côté : Saint-Michel archange avec son nom : ST MICHEL. Diamètre : 0,87m.
61 Roger Rodière, opus cité.
71
LE PRESBYTÈRE : Construction 1677
La maison qui, longtemps servit de presbytère, est située à l’entrée de la place de l’Eglise, s un coin, au carrefour de la rue principale et de la route de Brexent. On peut lire, sur la charpente intérieure, la date Anno 1677, probablement l’année de la construction. Cette vénérable demeure bâtie dans le style le plus pur des anciennes petites fermes du Boulonnais, est un témoignage respectable de nos traditions qu’une souhaitable inscription aux Monuments Historique sauverait définitivement.
Le bâtiment servit tour à tour de presbytère, de mairie et d’habitation. Quelle fut sa première destination lors de sa construction au XVII ème siècle ? Nul ne peut le dire.
LE MOULIN DE LA ROCQUE
I’ai découvert par un bel après-midi d’arrière-saison, il y a plusieurs années déjà, le charmant moulin de la Rocque ». C’est en ces termes que s’exprime l’historien régional Albert Leroy dans son ouvrage, Les vieilles fermes du pays de Montreuil (Editions Henry, Montreuil, 1972). Ce très ancien moulin seigneurial dépendait jadis du château féodal qui … s’élevait sur la colline et dont nous avons déjà parlé . Nous avons vu également que son existence est attestée par le Cartulaire de Saint-Bertin de 857. Le moulin actuel date de 1858 mais l’un des bâtiments ne porte pas moins le millésime 1816 gravé sur une pierre scellée dans un pignon. C’est dire l’ancienneté de ce vénérable témoin du passé.
Le 4 juin 1610, Charles des Essarts de Maigneulx, gouverneur de Montreuil, baillait à ferme le moulin à Jacques de Boulogne, y demeurant. Le 30 avril 1713, de Maigneulx et son épouse, Jeanne de Joigny, donnaient par testament à leur seconde fille, Anne, le moulin de la Rocque et la seigneurie de Fromessent . Cette dernière le céda plus tard à la famille Dumoulin. En 1790, Charles Dumoulin, âgé de 34 ans, en était le propriétaire. Une épitaphe gravée sur une plaque de plomb fixée à une croix de fer apprenait autrefois au passant, dans le cimetière de la commune, qu’un ancien meunier de la Rocque du nom de François Dumoulin, trépassé le 20 septembre 1807, était inhumé au même endroit avec son épouse Marguerite Carpentier. En 1867, la famille Dumoulin possédait toujours le moulin mais M. Lhotellier puis M. Rigaux en étaient les meuniers. En 1895, M. Carpentier-Dusannier se porta acquéreur et l’exploita pendant de nombreuses années. C’est son petit-fils, M. Gérard Routier, qui reprit l’affaire en 1956 et continua, avec son épouse Nelly Martel, de faire de la mouture.
Le moulin est construit en blocage de grès. Seuls, ses angles sont appareillés. La roue à aubes qui, pendant des siècles, fit tourner les machines, existe toujours mais ne fonctionne plus depuis bien longtemps. Elle fut remplacée par une turbine verticale en 1938 et l’on continua à moudre de la farine. En 1972, l’antique moulin poursuivait encore sa besogne mais le ronronnement des meules allait bientôt se taire à tout jamais. On n’entend plus aujourd’hui que le bruit de la chute d’eau voisine car, en cet endroit, le cours du Huitrepin présente une dénivelée de près de trois mètres. Le logement, en 2000, est toujours occupé par le maître du logis, M. Gérard Routier, qui vit parmi ses souvenirs dans le moulin familial à l’histoire maintes fois séculaire.